Entretien avec Jonathan Lascar, Bpifrance Le Hub

  • 29 septembre 2021
  • Marion Letorey
  • 8 min read

Jonathan Lascar est le directeur du Bpifrance Le Hub et ancien investisseur de Bpifrance où il a géré un fonds de plus de 200 millions d’euros. Également entrepreneur, il a créé plusieurs structures dont trois entreprises.

Bpifrance Le Hub, genèse et évolution

« Bpifrance Le Hub permet d’accompagner les startups dans lesquelles la BPI est investisseur, ce qui signifie qu’à chaque fois que Bpifrance entre au capital d’une startup, je m’occupe derrière de les accompagner pour les aider à se structurer, à grandir et finalement d’un point de vue opérationnel, à faire croître leur chiffre d’affaires. On accélère 50 startups chaque année et je gère une équipe de 30 personnes » présente, de manière très concise, Jonathan Lascar.

Il précise toutefois que ce sont les investisseurs qui sélectionnent les startups. Il existe à la BPI des fonds technologiques plus traditionnels où l’on va même retrouver quelques licornes comme Mano Mano ou Doctolib et un fonds plus diversifié et tourné vers l’écologie et la transformation durable, « Ecotechnologies » & « Ville de Demain ».
Ainsi au sein de Bpifrance Le Hub on peut trouver tantôt un grand nombre de startups à impact, tantôt beaucoup moins.

On essaie de communiquer des informations concrètes pour favoriser la transition durable des startups qui n’ont pas un cœur business à impact. Depuis le début de l’année 2021, nous avons mis en place des ateliers et des workshops pour expliquer ce qu’est l’impact à nos startups et quelles sont les bonnes pratiques pour se tourner vers l’impact positif, explique Jonathan Lascar

Bien que cela ne soit pas un critère d’investissement à date, il est possible que cela change dans quelques mois car Bpifrance est devenue la banque du climat. Cela sous-entend plus d’investissements dans les enjeux durables. Jonathan Lascar évoque également les prêts verts qui peuvent aller jusqu’à 5 millions d’euros pour aider les entreprises à se transformer durablement. Pour preuve également, le fonds Ecotechnologies 2 qui a vu le jour et les actions de sensibilisation à l’impact au sein de Bpifrance Le Hub.

“Alors le mot sensibilisation, c’est toujours un mot peu valorisant parce qu’on ne se rend pas compte finalement de l’impact réel. On n’a pas « d’armes » pour frapper sur celui qui ne le fait pas, mais en tout cas on a le mérite d’avoir essayé, d’initier une prise de conscience, de former et d’échanger. On constate depuis 6 mois que toutes les startups, même celles qui ne sont pas directement impliquées par cette thématique, sont réceptives, ont compris cet enjeu et l’intègrent à leur feuille de route » nous confie-t-il.

Au-delà d’une prise de conscience inéluctable, il est important aujourd’hui que les chefs d’entreprises s’engagent et portent cet engagement auprès de leurs équipes. Suivra, l’audit des actions mises en œuvre pour boucler la boucle.

Se fixer des objectifs, engager des moyens et pouvoir les mesurer

Pour Jonathan Lascar, l’impact positif serait l’écho positif des actions de sensibilisation, à savoir soit une stratégie de diminution de consommation de CO2, soit l’augmentation d’un NPS sur différents critères qui peuvent montrer une amélioration ; tout ce qui peut composer une feuille de route durable. Chez Bpifrance, certaines startups vont contribuer à produire et à consommer différemment de manière indirecte soit dans la Green Tech, soit dans un autre secteur. Aussi selon lui, cela veut aussi dire mettre en place des actions qui peuvent être mesurées rapidement.

Un petit pas pour l’Homme, un grand pas pour l’environnement

Jonathan Lascar s’exprime au nom de Bpifrance. Il partage des exemples évocateurs du changement qui est en marche, comme celui du café dont le système a été modifié pour le choix d’un café qui arrive directement du producteur et dont le marc est recyclé pour être composté et devenir de l’engrais. L’effet de volume accentue l’impact positif de ce type d’actions. Un autre exemple : pour toutes les consommations traiteur et plateaux repas, les objets en carton, en bois ou que le prestataire peut récupérer pour réutilisation ou recyclage sont favorisés.

Sans idéaliser la situation, encore loin du zéro déchet, les impressions papier ont également été limitées.

“C’est léger mais on a conscience d’entamer cette transformation. Nous étudions comment les flottes de voitures devront demain passer au tout électrique ou avec un niveau d’émissions de CO2 très faible. Tout cela c’est Bpifrance, pas uniquement Bpifrance Le Hub, tout le monde met la main à la pâte en ce sens” indique Jonathan Lascar.

Concernant les ressources humaines, pas de changement majeur car Bpifrance était plutôt en avance sur le sujet et s’emploie à garder cette avance. Bpifrance Le Hub, qui essaie d’accélérer l’entrepreneuriat féminin, est très proactif sur les sujets de l’inclusion et de la diversité, et ce depuis longtemps.

Pas de changement notable non plus au niveau des relations avec les partenaires et co-investisseurs. Les investisseurs Bpifrance se mobilisent en amont pour vérifier plusieurs paramètres essentiels, notamment le sérieux du fonds co-investisseurs, s’assurer que les règles anti-blanchiment sont respectées etc…

Une conscience écologique et une volonté d’impact positif partagées

Les corporates sont exigeants et ouverts à l’innovation explique Jonathan Lascar, car “ils ont des besoins en termes de sourcing d’innovation, de méthodes, de tests etc…”. Les startups développent quant à elles une vision et des solutions qu’elles ont besoin de vendre, atteindre leurs premiers clients et générer du chiffre d’affaires. C’est en ce sens que le binôme startup/corporate est un accélérateur pour notamment une transformation écologique durable et viable.

Les enjeux autour du durable sont partagés par les startups et les grands groupes. “Bpifrance Le Hub possède un pôle dédié de mise en relation avec des corporates”, précise Jonathan.

Le nouveau paradigme des fonds à impact

“Je pense que c’est un véritable changement dans le temps et c’est primordial pour la survie de notre planète et de l’espèce humaine. Il faut vraiment le voir de façon très large.”, déclare Jonathan Lascar.

Il analyse la tendance de fond avec un regard très financier et notamment l’arrivée des fonds à impact sur le marché. Il explique : “Avant, ça n’existait pas. Pour monter un fonds, cela prend du temps, minimum 6 mois, si ce n’est plus. Il faut une thèse d’investissement, une équipe dédiée et surtout il faut qu’il y ait un marché. C’est-à-dire même, une profondeur de marché suffisante et aussi un nombre de startups à impact suffisant pour dire « je vais arbitrer ». Car lorsque l’on a un fonds d’investissement, on analyse les dossiers, on les audite, on les compare et on investit dans le meilleur”.

Aujourd’hui, de plus en plus de fonds créent un fonds à impact. Bpifrance n’échappe pas à la règle avec le lancement d’Ecotechnologies 2. Si cela est aujourd’hui possible c’est parce que la profondeur de marché est suffisante et structurée. Le sujet de l’impact est donc un sujet d’actualité pour les fonds depuis déjà 2 ans.

D’après Jonathan Lascar, un fonds d’investissement a une durée de vie entre 8 et 10 ans. L’augmentation des risques climatiques et des enjeux primordiaux autour de l’écologie sont au centre des préoccupations. Le nombre des fonds à impact va probablement continuer de croître.

Je suis convaincu que c’est grâce à l’innovation et la R&D que l’on trouvera des solutions pour lutter contre le réchauffement climatique et consommer différemment. Nous sommes donc obligés de continuer à investir aussi beaucoup dans la Deep Tech, les technologies issues de la recherche. Elle n’est pas forcément encore ou pas du tout à impact parfois, mais cette technologie révolutionnaire va finalement permettre de produire durablement, analyse et anticipe Jonathan Lascar.

De la sensibilisation à l’action

L’objectif est d’accélérer, rattraper le retard pour certains et dès lors que de nouvelles startups sont accompagnées, mettre en pratique les recommandations pour les guider vers la conscience et la maîtrise de leur impact.

Le temps de la sensibilisation est révolu pour Jonathan Lascar, “on va demain présenter des acteurs, on va présenter des enjeux, on va essayer de faire un peu de challenge pour qui devient un peu plus à impact, qui aura la meilleure directive RSE”.

Article issu de l’interview réalisée par Valentin Buffet dans le cadre de l’Enquête « Startup & Impact positif : Les prochains piliers de la transition durable ». Avec le concours de notre partenaire Mantu.

Retrouvez les résultats de l'enquête en téléchargement gratuit.​

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